Notre démarche

La revue Les Mains Invisibles naît de la nécessité de redonner aux créatrices de la période moderne (qu’elles soient écrivaines, traductrices, éditrices, philosophes, artistes, architectes, scientifiques, compositrices, musiciennes, comédiennes…) la visibilité qu’elles avaient à leur époque, et ont perdu au fil des siècles en raison d’un processus, aujourd’hui bien connu, d’invisibilisation historiographique. La mise en valeur de ces femmes et de leur œuvre, que l’on « redécouvre » depuis quelques décennies, permettra de rétablir une vision plus juste de la réalité du passé du point de vue historique, social, culturel, littéraire et artistique, tordant ainsi le cou au lieu commun trop répandu d’un monde sans femmes ou, du moins, sans femmes sur le devant de la scène, cantonnées à un rôle mineur d’assistantes et de reproductrices.

Comme l’affirme Martine Reid dans la préface du premier volume de Femmes et littérature. Une histoire culturelle1, « il est temps que la critique et l’histoire littéraire, abandonnant ignorance et préjugés, acceptent ce radical changement d’optique, et poussent à son terme cette révolution herméneutique. Il en va de leur justesse, de leur crédibilité, de leur légitimité ». La revue a ainsi pour objectif de donner de la visibilité à un champ de la recherche et des sources longtemps minorés par la recherche française, dans lequel beaucoup reste à faire : celui des études sur les femmes autrices, artistes et créatrices de la première modernité en contexte occidental, aujourd’hui encore principalement développé dans les milieux universitaires anglo-américains2.

C’est pourquoi la revue est envisagée comme un véritable espace de recherche et d’innovation, et non comme une encyclopédie ou une compilation de biographies féminines, comme il en existe déjà, notamment le Dictionnaire des créatrices. Seront ainsi sélectionnés et valorisés des articles de recherche présentant un angle novateur, qui seront soumis à une relecture en  double aveugle.

En parallèle de projets de valorisation de figures et d’œuvres de femmes, l’objectif des Mains invisibles est de faire connaître, sous forme d’une parution annuelle, les travaux des chercheurs et chercheuses travaillant actuellement sur ces sujets et d’encourager l’analyse approfondie, en langue française, des productions féminines de l’époque moderne de tout l’espace occidental3, dans une perspective englobante voire comparatiste. La revue tient également à valoriser l’interdisciplinarité de ce type de recherches, en accueillant des articles rédigés par des historiens, des spécialistes d’histoire de la littérature, d’histoire des arts, d’histoire des sciences et des idées, et de musicologie.

Les axes envisagés pour ces articles peuvent être (liste non exhaustive) :

  • Les facteurs favorables/défavorables pour l’émergence et le développement des carrières féminines dans la création littéraire ou artistique (entendu au sens large) ;
  • Les spécificités et aspects novateurs de la création féminine (dans la production d’une ou plusieurs femmes) ;
  • La réception de l’œuvre féminine, contemporaine ou sur le long terme (notamment le processus d’invisibilisation historiographique) ;
  • La participation des femmes à la diffusion d’œuvres d’hommes ou de femmes, notamment dans le domaine de la traduction et de l’édition, et leur apport personnel et subjectif dans ce processus.

Cependant, la revue a également pour but de sortir d’un entre-soi pour toucher un public plus large, dans le monde de la recherche et de l’enseignement, afin de ne pas se présenter comme un domaine « de niche » et d’éviter que l’étude des productions féminines (au même titre que celle de l’histoire des femmes) ne soit envisagée comme une discipline hermétique, mais bien comme un élément indispensable, à prendre en compte dans de nombreuses autres disciplines afin de pouvoir prétendre à une plus grande pertinence scientifique. En encourageant l’inclusion d’œuvres féminines dans les parcours scolaires et universitaires de diverses natures, les élèves, étudiants et étudiantes de l’enseignement secondaire et supérieur pourront accéder à une vision plus complète du passé, indispensable pour gommer les biais historiographiques qui ont influencé nos programmes d’enseignement. Celle-ci leur permettra de concevoir le présent et le futur dans une perspective nouvelle, comme le réclamait déjà Éliane Viennot dans son essai sur la querelle des femmes :

Décrypter le réel, combattre l’impression que les choses sont ainsi parce qu’elles l’ont toujours été, faire savoir qu’il y a toujours eu des opposant·es à ce projet de société – et aussi des espaces de partage entre les sexes, des collaborations, des œuvres communes, tant de femmes surtout qui ont travaillé à ce que nous sommes aujourd’hui – est une nécessité urgente. […] Les jeunes générations doivent pouvoir disposer d’autres modèles de femmes et d’hommes, d’autres versions de l’Histoire de France, d’autres références politiques que celles dont on nous a abreuvé·es.4

Pour ce faire, le site de la revue disposera d’une base bibliographique thématique régulièrement mise à jour, ainsi que d’une base de textes exploitables dans le cadre de cours, alimentées par le comité éditorial et les autrices et auteurs des articles publiés.

Victoria Rimbert et Alix Kazubek pour Les Mains Invisibles

 

  1. Reid Martine, « Préface » in Femmes et littérature. Une histoire culturelle, volume 1, Paris, Gallimard, 2020, p. 11. ↩︎
  2. Notamment autour de la collection éditoriale The Other Voice in Early Modern Europe éditée par Chicago University Press, d’initiatives plus informelles comme le « Women’s Study Group 1558-1837), ou de groupes de recherche suivant un axe précis comme le « Noblewomen network ». En France, l’arrivée de ces sujets est d’abord passée par les milieux associatifs, qui ont démarré un chantier de revalorisation avant que les milieux universitaires ne s’en saisissent. ↩︎
  3. Cette limite géographique n’est pas due à un mépris, de notre part, des zones en dehors de l’espace occidental, mais au contraire d’une volonté de ne pas nous approprier des sujets qui devraient être traités par des chercheurs et chercheuses qualifiés sur ces domaines. ↩︎
  4. Viennot Éliane,  La querelle des femmes ou « n’en parlons plus », Paris, Éditions iXe, 2019, p. 102-103. ↩︎
Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer